La fin d'un monde

Une cité apaisée et désormais inconnue

L'infiltration et le nettoyage du site de la Tour métallique confirment la présence de mercenaires et d'un lourd service de sécurité déployé par le Cercle de Vienne. C'est dans les profondeurs de la tour, accessible via un monte-charge qui semble avoir été récemment installé dans le sous-sol du bâtiment principal, que les Trinités peuvent découvrir ce qui ressemble au centre de commandement du Cercle. Creusée dans la roche minée de galeries de Fourvière, une salle traversée de poutrelles et d'étais d'acier abrite un imposant dispositif de surveillance dotée d'un système de communication et de monitoring très avancé. C'est ici qu'est pilotée l'opération Prométhée de prélèvement et de confinement de la Flèche, opération avortée devant la colonne de flammes de l'Arène du fait de l'intervention des Trinités et de leurs alliés improvisés de Custody menés par Rico.

Léonard Schwimmer, le scientifique en charge du pilotage du scaphandre et de l'extraction de la Flèche, avait raison : ici, dans cette installation souterraine, la Tour métallique révèle sa véritable fonction, permettant au Cercle de communiquer avec les Jardins dévastés de l'Arène. Aussi, tous peuvent contempler sur les écrans de contrôle les événements qui se déroulent dans cet autre monde alors que l'assaut final est donné contre Lars et les siens et que Robin Flachet/Momoros est libéré au milieu du chaos. Le champ de bataille est dominé par les images de Simon Roberval qui a quitté Eretria avec le scaphandre pour rejoindre la colonne de flammes avec un seul objectif : pénétrer dans l'enfer qui nimbe le dieu Lug agonisant et lui arracher la Flèche du Sagittaire qui se consume sans fin dans sa chair.

Simon découvre que le scaphandre, alimenté par une technologie hybride fondée sur les travaux de l'Hermès Trois-Mage Grégoire Garnier et employant des substances dérivées du sang du Sagittaire, permet bel et bien de pénétrer dans le sanctuaire funéraire de Lug. Derrière le mur incandescent, c'est un cercle de terre dévastée ceint de flammes solides, figées dans le temps où trône un tombeau de pierre et de bois, mélange improbable d'architectures et d'époques qui supporte le corps pâle d'un jeune homme aux cheveux longs et clairs. Lug gît sur son monumental lit de mort, retenant en lui la dévastation de la dernière Flèche du Sagittaire décochée contre Iblis et les Trinités de Lugdunum. En faisant ce sacrifice, en devenant martyr, il préserve autant que possible le souvenir du royaume qu'il a bâti, de ce carrefour prospère entre les Jardins baigné par les eaux de l'Arar. Il fut celui qui ouvrit les portes, tendit la main à tous les peuples de Terre et des Jardins et les réunit dans une Agora accessible par douze passages que franchissaient librement des dizaines de navires. Il fut le fondateur d'une alliance post-édénique unique qui attira nombre de Trinités et les agrégea autour des vestiges d'une arbre-fondation tombé en ces lieux presque intact depuis Eden et devint l'axe central de cette formidable construction architecturale, sociale, mystique.


Mais ce faisant Lug bâtit sans le savoir une cible toute désignée pour les Elohim qui souhaitaient se débarrasser de l'aberration des Trinités manipulées par la Vierge. Quand le Sagittaire pourchassa les Soixante-Douze, il s'abattit sur Lugdunum et ravagea ce fragile édifice sans que Lug, dépassé par la puissance de l'attaque, pût le défendre. Mais un grand guerrier survint, Iblil, qui se dressa entre Lug et Sabaoth et repoussa l'Elohim, parvenant même à le blesser. Le sang du dieu inonda les terres de Lug puis Sabaoth décocha une dernière flèche au cœur même de l'Agora. La fureur concentrée dans cet ultime trait aurait annihilé tous les mondes qui gravitaient autour de l'arbre-fondation, s'engouffrant dans les portes largement ouvertes sur l'Agora, si Lug ne s'était pas élevé pour empêcher cette complète destruction. En l'absorbant en son sein et en la neutralisant, il figea les ruines de son monde dans la promesse permanente d'une inévitable destruction et déforma profondément la structure des lignes Ley de la région, créant l'aberration lyonnaise qui, finalement, est le cœur de son identité.

Simon choisit d'arracher la Flèche du corps de Lug ce qui, selon les calculs du Cercle, rétablirait la situation de la région dans son état originel, avant la guerre et apaiserait toutes ses tensions géomantiques.

Guérir Lyon, passer de l'équilibre instable à l'équilibre stable.

Un choix raisonnable, mais également une condamnation : il s'agit de la fin de la ville telle qu'on la connaît, l'abandon d'une partie de son histoire au profit d'une préhistoire mythique, plus proche d'Eden mais plus loin des hommes. Lug, consentant, est détruit dans la manœuvre et la cité tremble lorsque que l'épine plantée dans son flanc est retirée, elle qui s'était construite autour de cette blessure. C'est la fin d'une situation d'urgence et de nécessaire collaboration. Ce que tous craignaient est arrivé et aucun n'est responsable, l'Alliance lyonnaise n'a plus lieu d'être et Ekklêsia, Lions, Dévorés, Hermès Trois-Mage, Vivants, Sybils Nostradamus peuvent laisser libre cours aux affrontements millénaires qui ici avaient été suspendus au titre d'une trêve signée pour sauver la cité.

Le QG de la Tour métallique s'écroule et piège Mikaël, Iften parvient à fuir, de même que Robin Flachet dont le rôle d'infatigable correcteur et mécanicien s'achève avec l'extinction de l'immense machine dont il s'était attribué la responsabilité. Philibert est en Eretria, observant son petit peuple découvrir les conséquences bouleversantes de la disparition de la colonne de feu : l'ouverture des portes, la réappropriation de l'Arène, la rencontre avec les peuples hébétés qui se hasardent hors de leurs bulles, de leurs Jardins désormais libérés de la surveillance des hommes corbeaux. Simon quant à lui détient la Flèche, l'étincelle divine de Sabaoth préservée dans un conteneur conçu par le Cercle de Vienne, la rage d'un Elohim au creux de la main.

L'Arène n'est plus, mais l'Agora n'est pas encore. C'est une terre à reconquérir, une friche entre les mondes où enfin les premières pousses germent à nouveau, attestant la fin de la stase et le retour d'un cycle. Peut-être ce carrefour libéré de la menace de la Flèche retrouvera-t-il sa fonction d'antan ? Baigné dans les eaux de l'Arar et parcouru de navires et de voyageurs voguant entre les Jardins et la cité lyonnaise.

Si la Flèche reste en lieu sûr.



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