RF

Le local technique qui mène à la ligne D fantôme est souillé de déjections, de plumes et d'ossements qui tapissent le sol de béton, les armoires électriques et les amas de gaines, étagères démontées, cadres de métal tordu abandonnés. Plâtré dans sa gangue de crasse, de sang et de fientes, un gardien aux couleurs de la société de sécurité Custody surveille patiemment les lieux. Une portion de rail en main, entouré d'une nuée de corbeaux agressifs, il est posté devant une porte de bois précieux encastrée dans une profonde alcôve. La porte voit sa surface pourvue d'un assemblage d'une finesse et d'une complexité extrêmes de leviers, ressorts, goupilles, clavettes et balanciers que domine un cadran à sept aiguilles marquant les douze signes du Zodiaque dans leur ordre authentique. Un monogramme énigmatique "RF" signe l'oeuvre.

Le gardien dit représenter les Lugduni, en charge de la défense de ce monde et des autres et fait écho aux avertissements de Gourju, disparu depuis, quant à l'impérieuse nécessité de n'essayer en rien de perturber le fragile équilibre lyonnais. Seule "l'heure exacte" lui fera ouvrir la porte. Et c'est Manfred Wienen, un haut gradé des Dévorés, chirurgien, meurtrier et maître spirituel qui semble la détenir. Faisant irruption avec une dizaine de fidèles, il tâche de négocier une entrée conjointe avec les Trinités. Le combat éclate presque aussitôt et les Dévorés sont un à un supprimés. Wienen, pourtant sévèrement brûlé, parvient à prononcer la date et l'heure requises et à déclencher l'ouverture de la porte. C'est son corps désarticulé qui en franchira le seuil et il ne semble pas devoir jouir de sa victoire et le Gardien laisse l'accès libre.


Les Trinités ont enfin accès à la ligne fantôme et se retrouvent immédiatement happées dans la pénombre d'une grotte aux allures de colossal dépotoir et de champ de ruines où des colonnes, des frontons, des statues de toutes époques se côtoient, pulvérisés et entassés pour former des parois de plusieurs dizaines de mètres de hauteur. C'est l'une de ces parois qui soudain cède et rejoue le glissement de terrain meurtrier de  de Fourvière en 1930 et manque d'emporter les Trinités dans une profonde faille.

Philibert d'Aujas est irrésistiblement attiré hors de cette caverne et marche vers la lumière, vers le haut, vers la surface. Après avoir croisé d'immenses portes brisées et gravi un interminable escalier colimaçon, l'Arène paraît. Une immensité désolée, de boue, de ruines, de feux mal éteints et de cendres que transperce une colonne de flammes. L'atmosphère est délétère, mettant à rude épreuve le corps, l'esprit et la substance même des Deva et Archontes qui crachent et maugréent sous les assauts réguliers de la vibration rythmique qui secoue les lieux. Une marche harassante de plusieurs heures aboutit aux contreforts des montagnes acérées qui ceinturent l'Arène et au fond d'une grotte, une porte. Philibert est arrivé à destination, à n'en pas douter, et offre son sang. Le vantail gémit, craque, se fend et la porte s'entr'ouvre.



Un paysage aride, de garrigue et de pierres blanches surchauffées par le soleil, apparaît. Une large voie dallée serpente entre les collines aux flancs piqués d'oliviers morts, d'arbousiers, de genêts et de chênes tordus et mène jusqu'à une colline au sommet de laquelle brille le marbre éclatant d'un temple grec.




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