La lettre à Charlotte Capra, aka Le Bouc

Charlotte,

 Je me suis déjà ouvert à toi de l’agréable surprise qui fut la mienne lorsque je découvris, non sans un soupçon d’incrédulité, que tu n’étais pas l’effrontée rêveuse et compassée que les nôtres s’évertuent à voir en toi. Nous sommes parvenus à collaborer en adultes sur des sujets dont je pensais sans fausse modestie être en pleine maîtrise mais tu m’as montré que tu n’avais pas gâché tes jeunes années en les consacrant uniquement à tes quêtes folkloriques et tes jeux érotiques. Tu sais que je désapprouve comme nos frères et soeurs la voie que tu as empruntée et qu’à leur différence, je ne réserve pas mon jugement aux ombres des alcôves en feignant de les laisser parvenir aux oreilles du Rat contre ma volonté. Précisément, je n’apprécie pas la distance que tu prends avec les règles élémentaires de notre famille et c’est moins l’irritation que l’incompréhension qui froisse mon front lorsque je fais peser face à tes lubies maléficiantes la belle jugeotte dont tu as fait preuve pour nos affaires les plus retentissantes. J’admets que mon commerce a bénéficié de tes contacts au sein du BND. Il me coûte en toute occasion de reconnaître les mérites d’autrui et en particulier lorsqu’il s’agit de la science subtile de l’intelligence et de l’information, mais je t’accorde indéniablement quelque crédit à cet égard. Cette couronne de louanges tressée d’émotion et de sincérité étant posée à tes pieds, lis mes mots comme ceux d’un frère qui ne fait pas sien le jeu facile du dénigrement et des cris d’orfraie. Charlotte, tu déconnes, et tu déconnes complètement. Ils savent que tu places ton diablotin au-dessus de tout mais ce n’est pas lui qui t’a trouvée et accomplie. Ce qu’ils ignorent, c’est que tes projets te mènent aux alliances les plus hardies. Les déchets auxquels tu t’attaques sont une impasse quand bien même ils semblent avoir quelque notion de ce qui arriva à ton Iblis chéri, leur Cronos. Si tant est que tu t’entêtes à soumettre ces Dévorés, veille à ce que tu leur imposes tes vues et pas l’inverse. Ne fais pas de leur Trône ton maître de noirceur. Il était lumière et feu dévorant avant de sombrer dans l’oubli et la poussière. L’oubli et la poussière, dispersé sur la jeune Terre. Plus grave, ce que tu as fait en Italie nous a tous plongés dans un extrême embarras. Tes gesticulations dans l’océan de merde que tu t’évertues à créer partout où tes admirables fesses se posent nous éclaboussent tous. Je n’ai découvert qu’il y a quelques jours, et encore sur sollicitation du Cochon qui n’a jamais le regard très loin des amis russes qu’il t’a présentés, que mes protégés étaient sur tes talons. Tu aurais dû nous parler de ta découverte de nos fanatiques cousins et du fait qu’ils n’avaient pas traîné à tisser des liens avec leur époque. Tu as joué avec ce cambrioleur, tu as soufflé le chaud et le froid. En vérité, tu t’es montrée totalement, irrémédiablement, insondablement stupide. Et je n’ai pas le coeur de faire à nouveau monter à tes joues le rouge de la honte Il est temps de faire le ménage, sur le terrain, dans nos méthodes, dans nos relations, Charlotte. Je détesterais que nos frères en viennent à la conclusion que la simple solution pour faire place nette est de te laisser aux mains des Croisés dont tu as attiré l’attention ou mieux, dans la gueule du Tigre. Rentre, demande lui pardon, démerde toi comme tu veux ma chérie, mais mets un peu d’ordre dans ta vie.

Ton dévoué compagnon Patrick

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