Le poids de son regard

Mercredi 5 et jeudi 6 juillet 2000

Iften disparu dans la nature après un vif désaccord sur l'attitude à adopter à l'égard des personnes impliquées dans les événements de la guerre pour la Lumière, les Trinités font cap vers Lyon. Gilles Constant a choisi le déni et la fuite, Adrien a été maîtrisé car il n'a pas supporté de découvrir que ses maîtres servaient le Bien et Fabien a une nouvelle fois plié le genou face à l'autorité et la promesse du pouvoir.

C'est un Jonas perturbé qui contacte Philibert dans la nuit pour lui signaler que la situation dérape étrangement à la Maison XIII. Une fois les Trinités sur place, la communauté hétéroclite de saisonniers, voyageurs et paumés décrit l'irruption d'au moins deux intrus sur la propriété. La jeune Stéphanie aurait été retrouvée, choquée, en train d'errer dans les champs, à la rencontre d'une silhouette postée à la lisière d'un lambeau de bois coincé entre deux parcelles en friche tandis que Sébastien, occupant d'une chambre du corps principal a quant à lui formellement vu un homme passer devant la porte de sa chambre après être sorti d'une pièce en cours de réfection.

L'atmosphère pue les Ténèbres et si les environs sont dégagés, la chambre en réfection d'où a jailli un des intrus se révèle inondée, ses murs repeints à neuf gorgés d'humidité, tandis que deux lourdes traces de pas boueuses trônent au milieu des pots de peinture inexpliquablement remplis d'eau.

Arthur, alité à l'étage est pétrifié mais parvient à s'exprimer : "Mordred revient pour détruire pierre à pierre la Nouvelle Camelot."

La situation devient particulièrement tendue. L'angoisse des occupants de la Maison XIII, l'agressivité et l'incontrôlabilité de Fabien, la pénible et cruelle détention d'Adrien jeté au fond du van, sans compter les questions et l'oppressante sollicitude de Jonas. Philibert fait le ménage en pointant du doigt le danger potentiel que représente un séjour en ces lieux. Seuls trois pensionnaires restent : Jonas et un jeune couple acquis à sa cause et érigeant les protocoles de la Maison en dogme.

Alors que la piste de Ravier est plus que jamais d'actualité, le poids de Fabien et surtout d'Adrien devient chaque heure plus marqué et pousse les Trinités à envisager des solutions radicales sans toutefois s'y résoudre. Ils sont irrémédiablement présents, à chaque heure, chaque minute, manipulés par des leviers qui se font lâches et imprécis. Adrien alterne les phases de révolte et d'apathie, battu par Fabien quand celui-ci est seul avec son ancien disciple. Fabien précisément voit son allégeance prendre une tournure plus nuancée en observant ou devinant l'irritation, les hésitations et les intenses débats des Trinités. Il y voit des faiblesses, insiste pour supprimer Adrien, suggère que Philibert se trompe et que Gonzague a peut-être de meilleures idées. L'édifice se craquèle et Adrien finit entravé et séquestré, avec une certaine prévenance toutefois, dans son propre appartement tandis que Fabien est envoyé en "mission de confiance". Le doute est trop fort et la crainte de voir Samyaza retourner aux mains du Bouc pousse les Trinités à le rattraper. Trop tard. Il n'est pas à la Maison aux Lions, il reste introuvable.

L'investigation chez Ravier se déroule en début de soirée. Bel immeuble faisant face au parc de la Tête d'Or, correctement protégé mais insuffisamment face aux talents de Gonzague. Le champ de bataille attendu n'est pas au rendez-vous et le commando se fait preneur d'otages en pénétrant dans un appartement cossu seulement occupé par Gaëlle Ravier et sa fille Melissa, 6 ans. Rien que de très normal, simplement une mère prête à tout pour défendre sa fille face à des barbouzes mêlés aux affaires de son mari. L'instinct de survie de Gaëlle lui dicte de conserver un profil bas jusqu'à ce que son mari revienne. Ce qu'il fait vers 19h, accompagné de sa seconde fille, Mya.

Stéphane Ravier est violemment neutralisé tandis que Gonzague et Philibert s'efforcent de limiter le traumatisme de la situation auprès du reste de la famille, soigneusement isolée au calme dans une chambre. Là encore, les conséquences du grand Jeu sur la vie des Adam' semblent sans fin, dévastatrices, sources d'échos dont il est impossible de deviner l'évolution. Ravier est brisé, tenu par la menace de voir ses filles souffrir. Il se met à table sans discuter, répugné par les mots qui sortent de sa propre bouche. Oui, en échanges de soirées dépravées et incontrôlées qu'il ne parvient pas à assumer, il a rendu des services au nombre desquels enterrer les enquêtes sur la mort de Carson et les enlèvements de l'hôtel Jaricot. Il admet avoir envoyé deux de ses hommes nettoyer la planque des agents Marks et Taylor, raflé leurs portables et fourni toutes leurs coordonnées à son commanditaire. Charlotte...

Charlotte Capra. Une victime, une gamine éplorée au visage trop pâle et aux yeux trop grands. Sans doute une proie facile dévorée par le réseau de prostitution bulgare auquel il l'a arrachée. En tout cas, un excellent témoin, une machine à raconter les histoires les plus sordides et les plus avérées sur les filières de traite de Lyon. Charlotte, passée sous l'aile protectrice du directeur, fascinante dans son mélange de vulnérabilité, comme une plaie fraîche prête à saigner et la profondeur de ses connaissances, de son expérience du milieu. Les auditions se multiplient, deviennent des entrevues, puis des rendez-vous. Charlotte tape juste, à chaque fois, et Ravier exhibe ses failles avec appétit. Elle sait le nourrir et lui ouvre les portes d'un monde de plaisirs écoeurants. Ce dont il a toujours rêvé. Elle le tient, elle s'est laissée capturer, a toujours tout maîtrisé, il le sait maintenant. Mais elle le tient. Il est allé trop loin, dans les garages de rue Ornano et dans les souterrains du tunnel routier de la rue Terme.

Les Trinités embarquent Ravier en livrant à sa femme une version des faits faisant d'eux des agents gouvernementaux en lutte contre la corruption de son mari et des réseaux qu'il représente. Elle acquiesce, elle fera ce qu'on lui dit. Elle sauvera ses filles, sont mari dût-il y rester.

Le tunnel routier est une gorge obscure et puante percée dans la colline de la Croix-Rousse. Une porte cadenassée ouvre sur un conduit technique, puis une galerie de briques qui semble vieillir à chaque pas. Le grondement entêtant qui frappe toutes les 17 secondes fait grincer les dents  puis une salle obscure s'ouvre devant les explorateurs qui n'ont pas fait plus de 80 mètres sous terre, dans l'odeur de graisse, de gaz d'échappements et de moisissure. De massifs piliers de briques rouges soutiennent des voûtes engluées de concrétions, le sol de pierre irrégulière et de terre sale est nu. Pas tout à fait. Au centre de la salle, une bâche de plastique dissimule un amoncellement de déchets chirurgicaux, compresses, bandes, élastiques éparpillé sur des litres de sang séché qui croûtent la pierre en larges flaques noires.

Et surtout, un des murs fait figurer une immense fresque qui résonne en chacun, comme un mauvais souvenir.

Maintenant, reste à savoir ce que signifie ce sac plastique empli de scalpels et de clamps : Orthop. Pav. T


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